Réflexion sur le Mystère de l’Incarnation (partie 1)

Publié le par Roger BERTHOL

     Comme le font beaucoup de jeunes, après ma confirmation, j’ai déserté l’Eglise pour y revenir à 23 ans. L’occasion m’a alors été donnée de lire l’évangile et les épîtres de saint Jean, avec les commentaires du père Donatien Mollat. J’ai pu comprendre que Jésus « existait » déjà avant de venir sur la terre. J’ai donc admis l’idée d’une préexistence relative à son sujet, mais je voulais savoir quand cette préexistence avait commencé.

     C’est ainsi qu’en 1983, alors que je faisais partie du groupe de réflexion « Recherche et Vie », animée par le père Gabriel Valard, j’ai demandé à ce dernier quand Dieu avait-il créé Jésus ? Dans sa réponse, j’ai compris, d’une part, que le Verbe de Dieu ( Le Logos ), devenu Jésus sur la terre, n’avait pas été créé, mais engendré. Quant au moment de cet engendrement, cela s’étant fait hors du temps, mais dans l’éternité de Dieu, il ne pouvait être situé. Par conséquent, c’est depuis toute éternité que le Verbe de Dieu est engendré. Jésus n’a-t-il pas dit aux Juifs : « En vérité, en vérité, avant qu’Abraham fut, Je Suis » ( Jean 8, 58 ) ? Ce qui sous-entend une idée de permanence, et non de préexistence relative. 

    Cette révélation fut pour moi comme un véritable traumatisme dans un sens positif, et ça a conditionné la  lecture et la relecture que j’ai pu faire de la Bible jusqu’à ce jour. C’est comme si je cherchais les preuves de ces affirmations, dont j’exposerai bon nombre un peu plus loin. Dans ce labyrinthe auquel ressemblent parfois les Ecritures, j’avais trouvé le fil rouge qui sert de guide, et conditionne jour après jour  la lecture que je fais de ce Livre qui est devenu ma véritable passion.

    Toutes mes homélies sont également basées sur la question de l’identité de Jésus qui, venant du ciel, est descendu sur la terre. Saint Jean précisera : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. » ( Jean 3, 16 ) Et la remarque que Jésus fait à la Samaritaine : « Si tu savais le don de Dieu… » ( Jean 4, 10 ), autrement dit : « Si tu savais quel cadeau le Père a fait au monde en ma personne »,  c’est la remarque qu’il adresse à l’humanité toute entière. Remarque qui s’adresse notamment à ses bourreaux auxquels il demande au Père de  pardonner, parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font quand ils mettent à mort celui, dont ils n’ont pas conscience, qu’il est le Fils éternel de Dieu. Ce qui nous amène à affirmer que la mise à mort de Jésus va infiniment plus loin qu’un simple homicide. Un auteur anonyme du quatrième siècle  parlait en ces termes de la mort de l'Homme-Dieu : « Dieu s’est endormi dans la chair ». 

    Pour ce qui concerne la Bible, dans son ensemble, elle est souvent perçue comme étant un recueil de principes moraux, ce qui la rend peu attrayante. Cependant, d’après l’enseignement reçu du père Philippe Mercier, il ressort que, composée de deux ensembles, l’Ancien et le Nouveau Testament, elle est une bibliothèque de 73 livres : 46 pour l’Ancien Testament, et 27 pour le Nouveau Testament.

    Le mot Bible vient d’un mot grec « Ta Biblia » qui signifie « Les livres ». Traduit en latin, ce mot a été compris comme un féminin singulier « Biblia-e », à savoir en français, « La Bible » ou « Le Livre ». L’activité littéraire par laquelle elle devient Ecriture s’étend de 1100 avant Jésus-Christ à 90 après Jésus-Christ, donc à peu près 2000 ans. Issue d’une Tradition orale, elle est toujours Parole d’abord, avant de devenir corps écrit.

   Le premier ensemble, que constitue l’Ancien Testament, est organisé en trois grands recueils :

a)      Loi ou Pentateuque ( Torah )

b)      Prophètes                ( Neviim )

c)      Ecrits ou Sagesse    ( Ketouvim )

Le second ensemble, que constitue le Nouveau Testament, comprend :

a)      Les quatre Evangiles Actes des Apôtres où il est question de la naissance de l’Eglise, suite à la venue de l’Esprit Saint à la Pentecôte, et de la vie des premières communautés chrétiennes

b)      22 Lettres ou Epîtres : 14 de saint Paul, 1 de saint Jacques, 2 de saint Pierre, 3 de saint Jean, une de saint Jude, et une aux Hébreux dont on ne connaît pas l’auteur

c)      Le Livre de L’Apocalypse ( mot qui signifie « Révélation » ou « Dévoilement » ).

Il existe des noms ou expressions pour désigner ce Livre :

a)      Un mot simple et pratique : La Bible

b)      Une désignation de culture religieuse : Les Saintes Ecritures ou L’Ecriture

c)      Une expression qui en dit la substance : La Parole de Dieu

Bible Hébraïque, catholique, orthodoxe, protestante

Certains livres bibliques que l'Eglise catholique et les Eglises orthodoxes incluent dans l'Ancien Testament ne font partie ni de la Bible hébraïque, ni de la Bible protestante qui ne pensent pas que ces livres soient inspirés. Les livres dont il s'agit sont les suivants:

Judith

Tobie

Baruch

Premier Livre des Maccabées ( Martyrs d'Israël )

Deuxième Livre des Maccabées ( Martyrs d'Israël )

Sagesse

Ecclésiastique ( Siracide )

Les passages grecs du Livre d'Esther

            chapitre 1:   Songe de Mardochée

                               Complot contre le roi

            chapitre 3, 13a-13g

            chapitre 4: Prière de Mardochée,  versets 17a-17j

                             Prière d'Esther, versets 17k-17z

            chapitre 5, 1-2

            Nouvel édit d'Ataxersès au capitre8, versets 12a-12x

            Explication du songe de Mardochée au chapitre 10, versets3a-3l

Les passages grecs du Livre de Daniel:

            Cantique d'Azarias dans la fournaise au chapitre3, versets 24-50

            Cantique des trois jeunes gens au chapitre 3, 51-90 

            chapitre13: Suzanne et le jugement de Daniel

            chapitre14: Bel et le Dragon ( Serpent )

    Les originaux des livres sacrés ont été rédigés en hébreu, en araméen et en grec. La communauté juive a rejeté les livres grecs, d'une part parce qu'ils sont apparus tardivement, c'est-à-dire aux premier et deuxième siècles de notre ère. Ils ont, en outre, été rédigés dans un monde fortement influencé par la culture grecque, monde hostile à la Religion juive.

    Ces livres ont, cependant, été acceptés durant un certain temps par la communauté juive qui est à l'origine de deux canons, autrement dit, de deux listes des livres sacrés de l'Ancien Testament. La première liste, c'est le TANAKH, appelée "Protocanonique" ( Premier canon ) car elle contient des livres qui n'ont jamais été contestés. La deuxième liste, c'est la Septante, appelée "Deutérocanonique" ( Deuxième canon ), ce qui signifie " admis secondairement dans le canon". Cependant, au Synode de Jamnia, vers l'année 90, les Juifs abandonneront la deuxième liste pour revenir à la première, alors que les premières communautés chrétiennes feront le choix de la deuxième.

   Pour les Protestants, la liste des Livres de l'Ancien Testament sera celle qui a été retenue par la communauté juive. En effet, ils pensent que l'Ancien Testament a été confié aux Juifs comme le Nouveau Testament a été confié à l'Eglise ( cf Romains 3,3 ).

   Pour le Protestantisme  et le Judaïsme, les livres deutérocanoniques sont des apocryphes ( ce qui signifie "cachés, douteux ). Il est vrai que ces livres ne sont jamais cités dans le Nouveau Testament, qu'on y trouve des erreurs, des contradictions et des choses historiquement inexactes. N'empêche que, non seulement ils sont cités par les Pères de l'Eglise, mais ils contiennent beaucoup d'enseignements vrais, corrects. 

   Ces livres sont à l'origine de certaines croyances et pratiques de l'Eglise catholique romaine telles que la prière pour les morts, les requêtes adressées aux "saints dans les cieux pour bénéficier de leurs prières", l'adoration des anges, et l'expiation des péchés à travers l'aumône".

    Trois grandes religions  viennent de la Bible:

Le Judaïsme (Religion juive)

 

    C’est aux Juifs que la Parole de Dieu a été révélée en premier. L'Ancien Testament constitue pour eux ce qu’ils appellent la « Torah » : La Loi et Les Prophètes. Ils attendent encore le Messie.

     L'Express ( N° 3468 du 20 au 26 Décembre 2017 nous donne quelques éléments quant à ce que le Judaisme ( la religion juive ) dit de Jésus.  

  "Depuis un peu plus d'un siècle environ, de nombreux juifs s'accordent à considérer Jésus comme un enseignant juif de premier plan. ( Daniel Boyarin ) ( L'Express page 44 )

    On trouve dans le Talmud quelque allusions -rares- à Jésus. Dans son livre Jésus rendu aux siens ( Albin Michel ), reportage original dans l'Israël contemporain des rabbins et des experts bibliques, Salomon Malka rapporte fidèlement les huit passages concernés. On y découvre notamment ceci: " A la veille de Pessah ( la Päque juive, Jésus le Nazaréen a été pendu et un appel avait été lancé quarante jours avant en ces termes: Jésus le Nazaréen va être pendu parce qu'il a été coupable de sorcellerie, qu'il a dénigré et calomnié Israël, quiconque est à même de témoigner en sa faveur est invité à le faire. Ils n'ont trouvé personne et ils l'ont pendu à la veille de Pessah." ( page 43 )

    "La plupart des études juives qui portent sur Jésus, même celles rédigées par des érudits ou des esprits très ouverts, ont généralement rejeté l'idée que Jésus était le fils de Dieu, au même titre qu'elles réfutaient l'Incarnation ou la Trinité, et plus encore l'idée que le Messie pouvait mourir, à plus forte raison s'il est le fils de Dieu. 

    Ces dernières années, des intellectuels juifs, dont je fais partie, ont néanmoins avancé que ce dernier point n'était peut-être pas si certain. En effet, on trouve dans la littérature prérabbinique ( mais pas seulement ), des écrits qui évoquent l'existence d'une seconde figure divine, qui se tiendrait au ciel à côté de Dieu et respecterait la seule volonté de Dieu. Cette doctrine, dite "binitarisme", caractérise également la théologie en vigueur chez de nombreux chrétiens avant le premier concile de Nicée ( 325 ). Des éléments attestent aussi que, pour quelques juifs non chrétiens, ce second personnage divin serait associé, combiné à une personne humaine, et qu'il sauverait Israël en tant que Messie. Enfin, nous avons des sources qui suggèrent l'interprétation d'un Messie qui souffre, et pourrait peut-être même mourir dans l'accomplissement de sa mission. 

    Les frontières entre ce que nous appelons christianisme et judaïsme ne sont donc pas si nettes, après tout. Les idées selon lesquelles les chrétiens ne suivent pas la Torah ou les juifs ne croient pas en un Messie divin ne sont plus si clairement délimitées. La principale différence entre juifs et chrétiens aujourd'hui concerne l'identité de ce Messie: les chrétiens affirment qu'il est déjà venu en la personne de Jésus, tandis que les juifs l'attendent toujours." ( Daniel Boyarin, professeur de culture talmudique ) page 44.

 Les chrétiens affirment que Jésus est le Messie qui devait venir

   ( Pour les chrétiens ), "Dieu s'est incarné en Jésus, il a revêtu tous les aspects de l'humanité et en a connu tous les sentiments -la faim, la peur, le doute, les larmes, la faim, la  fatigue. Pourquoi? Parce que la beauté de l'être humain nous dit quelque chose de Dieu. La foi chrétienne proclame que Jésus a un visage, ce que ni le judaïsme ni l'islam n'admettent. De même, l'homme de Nazareth accomplit son ministère au carrefour entre l'Europe, l'Asie et l'Afrique, ce qui est important sur le plan temporel. Pourquoi? Parce que l'islam voit le jour, sur le plan historique, peu de temps après après que le christianisme, après les troisième et quatrième conciles,s'est posé la question de la relation entre le divin et l'humain. C'est au sujet de la nature du Christ que les chrétiens de Perse ( c'est-à-dire de l'Irak d'aujourd'hui ) se séparent de l'Eglise indivise, après le concile d'Ephèse, en 431, ( qui proclame "Marie, mère de Dieu" ), suivis par ceux de Syrie, d'Egypte ( les Coptes ) et d'Ethiopie à la suite du concile de Chalcédoine en 451.

    L'islam s'inscrit donc dans un débat interne au christianisme en Orient et il tranche nettement en faveur de la séparation entre le divin et l'humain."  Mgr Pascal Gollnisch, Directeur de L'Oeuvre d'Orient  ( L'Express page 32 )

Les Musulmans

    Chez eux, les « Souates », ou chapitres du Coran, viennent à la fois de l’Ancien et du Nouveau Testament.

    Voyons "l'importance de la figure de Jésus dans les textes sacrés de l'Islam" selon Hassan Chahdi, chercheur à la chaire D'histoire du Coran au collège de France.

    " Dans la tradition juive, comme dans la tradition arabe, la filiation se fait par le père. Un enfant sans père reconnu est une anormalité. Mais dans ce cas précis, celui du prophète Jésus, le Coran explique qu'il n'y a rien de très extraordinaire: avant lui, Adam ( le premier prophète dans l'islam ) a été créé sans père ni mère, d'une poignée d'argile.

    La contradiction fondamentale entre le Jésus des Evangiles et celui du Coran est la négation de sa crucifixion. Une question majeure du point de vue doctrinal.

    Les versets 157 et 158 de la sourate 4 réfutent totalement l'épisode de la crucifixion. A propos des juifs, ces versets disent en substance: "Leurs propos qui consistent à dire qu'ils ont tué le fils de Marie...". Cela laisse à penser que c'était leur souhait, mais qu'ils n'y sont pas parvenus. Ensuite, on trouve une affirmation: " Ils ne l'ont point tué, ni crucifié." Autrement dit, les juifs ont cru le tuer, mais ils ont été le jouet d'une illusion divine. Certains exégètes coraniques ont expliqué qu'un sosie avait pu être substitué à Jésus sur la croix, tandis que Dieu élevait ce dernier auprès de lui. L'enjeu autour de la crucifixion est capital: c'est le point définitif de séparation entre l'islam et le christianisme.

    S'il n'y a pas de crucifixion ni de mise à mort, il n'y a pas de résurrection. De fait, la christologie coranique sert à désavouer les points fondamentaux du dogme chrétien. En premier lieu, Jésus n'a pas de nature divine. Donc, Marie n'est pas la mère de Dieu, et Jésus n'est pas le fils de Dieu. Ainsi, la Trinité est également rejetée.L'islam repose sur la notion essentielle du tawhid, l'unicité absolue d'Allah."

    "Dans la sourate 61, Jésus énonce " la bonne nouvelle d'un messager qui viendra après lui. Son nom sera Ahmad." Cela peut poser problème, puisque le prophète s'appelle Mohammed.  Ahmed signifie "je loue", au sens de la louange. Mohammed est celui qui est digne de louanges. Des hadiths concilient ces deux noms. On attribue au prophète ce propos: " Je suis Ahmed et Mohammed", autrement dit, "je suis celui qui loue le plus le Seigneur et je suis aussi celui qui est digne d'être loué".  

    Quand Jésus revient, il est musulman, il brise la Croix et terrasse le Dajjal ( le Menteur ) : l'Antéchrist. Puis il juge les hommes selon la loi de l'islam, condamnant les juifs et les chrétiens. Curieusement, il semble presque éclipser Mohammed à ce moment. Or suivant l'orthodoxie musulmane, il n'y a plus de prophète après Mohammed. Et pourtant Jésus revient, un peu comme s'il avait le dernier mot...

    Mais, suivant la tradition, un autre personnage arrive à la fin des temps: le Mahdi. Certains courants musulmans sunnites pensent que ce descendant "bien guidé" du prophète doit rétablir la justice sur terre et combattre aux côtés de Jésus. D'autres courants sunnites affirment: "il n'y a pas de Mahdi, si ce n'est Issa Ibn Meryem: Jésus."  C'est assez troublant. Et pour les chiites, le Madhi est un descendant du Prophète, l'imam caché, "occulté", qui revient et prépare le retour de Jésus. Là encore, c'est bien le dernier qui va vaincre l'Antéchrist."  (p 47-49 )

D'origine iranienne, normalienne, spécialiste de la littérature persane, Leili Anvar rappelle que la tradition soufie a donné à Jésus une place centrale

   " Jésus est cité plus de 30 fois dans le Coran, le plus souvent sous la désignation "Jésus, fils de Marie" ou encore de "Messie", celui dont la parousie annoncera la fin des temps. Il est aussi désigné par deux titres, les plus éminents parmi tous les titres donnés aux autres prophètes de la tradition judéo-chrétienne que le Coran fait sienne: il est "verbe de Dieu", "esprit ou souffle de Dieu". Il est aussi "parole de vérité".

    Par sa naissance, Jésus "incarne" le souffle divin créateur. On peut se demander pourquoi le Coran et, après lui, les mystiques ont tant insisté sur le caractère miraculeux de cette naissance, si ce n'est pour indiquer que le corps de Jésus n'est pas un corps comme un autre, qu'il n'a pas été créé comme tous les humains d'un père et d'une mère. Il est, à l'instar d'Adam, le fruit de la pure volonté divine: "Oui, il en est de Jésus comme d'Adam auprès de Dieu, Dieu l'a créé de terre, puis il lui dit "Sois!" et il est" ( Coran, 3,59 )"

    

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Ceux qui sont persuadés qu’il faudrait lire la Bible d’un bout à l’autre pourraient remettre sans cesse à plus tard ce projet, devant l’ampleur de la tache. Pour les chrétiens que nous sommes, ce qui importe le plus, c’est le Nouveau Testament. Toutefois, la connaissance de l’Ancien permettant de mieux comprendre le Nouveau, celui qui voudrait faire un petit parcours de l’Ancien, peut relire le discours d’Etienne dans Actes des Apôtres 7, 2-53, et le discours de saint Paul dans Actes des Apôtres 13, 16-39.

    Si certains remettent toujours à plus tard la lecture de la Bible, il arrive, par contre, que nous entendions des réflexions du genre : « La Bible, je l’ai lue d’un bout à l’autre…je la connais par cœur. » Non seulement cela reste à prouver, mais nous pouvons également nous demander si c’est là ce que le Seigneur attend de nous. Car si certaines pages de cette bibliothèque que constitue la Bible sont célèbres, si un nombre impressionnant de personnes ont entendu parler, ne serait-ce qu’une fois, de certains évènements capitaux qui sont constitutifs de l’Histoire Sainte, il faut reconnaître que Dieu est Mystère, que sa parole est mystérieuse, et que son Fils Jésus, qui est sa Parole vivante, est également Mystère. Aussi, la connaissance de Dieu, et de sa Parole, n’est-elle pas une question d’appréhension intellectuelle, mais l’entrée dans l’intelligence, la compréhension d’un Mystère qui, par définition, est tellement riche de signification, qu’il comporte un excès de sens.

   Nous comprenons alors que nous n’en aurons jamais fait le tour ici-bas, ce qui ne nous empêche pas de nous efforcer d’en saisir l’essentiel. Peut-être serons-nous alors en mesure de nous exprimer comme le fait saint Paul, lorsqu’il s’adresse en ces termes aux Ephésiens : « A me lire, vous pouvez vous rendre compte de l’intelligence que j’ai du Mystère du Christ. » ( Ephésiens 3, 4 ) En effet, c’est dans la personne du Christ, dans ses paroles et tous ses faits et gestes, que se dévoilent véritablement le « mystère de Dieu, dans lequel se trouvent cachés ( toujours selon saint Paul ) tous les trésors de la sagesse et de la connaissance. » ( Colossiens 2, 2-3

   Aussi, après que Jésus ait dit aux disciples d’Emmaüs : « Il fallait que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes », il nous est précisé qu’ « Alors il leur ouvrit l’esprit à l’intelligence des Ecritures. » ( Luc 24, 44-45 )  Et saint Paul d’expliquer : « Jusqu’à ce jour en effet, lorsqu’on lit l’Ancien Testament, ( un ) voile demeure. Il n’est point retiré ; car c’est le Christ qui le fait disparaître. Oui, jusqu’à ce jour, toutes les fois qu’on lit Moïse, un voile est posé… C’est quand on se convertit au Seigneur que le voile est enlevé. » ( 2 Corinthiens 3, 14-16 ) 

   Puissions-nous alors accueillir cette grâce que saint Paul implore pour ses semblables : « Daigne le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père de la gloire, vous donner un esprit de sagesse et de révélation, qui vous le fasse vraiment connaître ! Puisse-t-il illuminer les yeux de votre cœur… » ( Ephésiens 1, 17-18 )

 

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   Depuis les débuts de l’Histoire Sainte, il est question, d’une manière plus ou moins explicite, de l’annonce de la venue de quelqu’un, qui serait un nouveau Moïse, un roi, un Sauveur. Il serait le Messie en hébreux, ou le Christ en grec, ce qui signifie en français : l’Oint de Dieu, celui qui a reçu l’onction, qui a été consacré par Dieu. Ce Messie est venu en la personne de Jésus, cependant petit à petit on découvrira qu’il est beaucoup plus que cela, car il n’est autre que le Fils éternel de Dieu.

    Selon l'Encyclopédie Universalis et le Centre de Recherche Français à Jérusalem, Le Messianisme est la "croyance en la venue d'un libérateur qui mettra fin à un ordre présent considéré comme mauvais et instaurer un ordre nouveau dans la justice et le bonheur.

  Le messianisme est partie intégrante du Judaïsme, il lui est co-existentiel."

    A l'origine, le messianisme n'impliquait pas la venue d'un messie ( il n'était pas messianique ). En effet, étant donné que seul Dieu sauve, guérit, délivre, pardonne, ramène les exilés et pour cela, il n'est guère besoin d'intermédiaire entre lui et les hommes. Il peut agir directement.

    Dès lors, si l'on définit le Messie comme Sauveur d'Israël en particulier, et de l'humanité en général, on lui attribue un rôle qui est ni plus ni moins que celui de Dieu.

    En effet, à la différence du prophète qui reçoit de Dieu sa mission, la messianité implique un lien d'identification poussé avec ce Dieu, généralement un lien de parenté: si le prophète est l'élu de Dieu ( lien électif ), le Messie est uni à Dieu par un lien natif.

   Pour les Juifs qui pensaient que Dieu était solitaire, il était inconcevable qu’il puisse avoir un Fils. Et quand bien même ce serait le cas, jamais ils n’auraient imaginé que celui-ci puisse se faire homme, devenir l’un de nous, tout en demeurant Dieu. Tous les déboires de Jésus trouvent là leur origine. C’est pour cette raison que toute sa vie publique sera un long procès dans le cadre duquel il sera sommé de dire qui il est, et en dépit de toutes les preuves qu’il pourra fournir, il sera condamné. A ce sujet, saint Jean nous rapporte un échange très significatif entre les Juifs et lui :

    « Les Juifs apportèrent de nouveau des pierres pour le lapider. Jésus leur dit alors : « Je vous ai montré quantité de bonnes œuvres, venant du Père ; pour laquelle de ces œuvres me lapidez-vous ? » Les Juifs lui répondirent : « ce n’est pas pour une bonne œuvre que nous te lapidons, mais pour un blasphème et parce-que toi, n’étant qu’un homme, tu te fais Dieu. » ( Jean 10, 29-33 )

    

    Découvrons maintenant des trésors que contiennent les "Livres Sapientiaux". C'est un ensemble de livres de l'Ancien Testament qui visent à donner un enseignement moral. Il s'agit du Livre de Job, des Psaumes, des Proverbes, de l'Ecclésiaste, du Cantique des Cantiques, du Livre de La Sagesse, de l'Ecclésiastique. Toutefois, on trouve dans ces livres une merveilleuse dimension prophétique, le prophétisme ayant pour fonction, non seulement de prédire l'avenir sous l'inspiration de la divinité, mais aussi de révéler des vérités cachées. 

    Si, dans l’Ancien Testament, on était loin de s’imaginer que Dieu puisse avoir un Fils, il y sera néanmoins de plus en plus question d’une réalité mystérieuse qui demeure auprès de lui, réalité dont on ira jusqu’à implorer la venue sur la terre. Personnifiée, elle est tantôt appelée « Parole », tantôt « Sagesse » de Dieu.

Dans ces livres, la Sagesse qui est d'abord un attribut de Dieu, devient une Personne et ,tout comme le Logos ( le Verbe ) de Saint Jean, cette Sagesse est à la fois en Dieu et hors de Dieu. Et tous ces grands textes justifient le titre de "Sagesse de Dieu" que Saint Paul donne au Christ en 1 Cor 1,24. ( Bible de Jérusalem ). 

   

 « Par la parole de Yahvé les cieux ont été faits, par le souffle de sa bouche, toute leur armée. » ( Psaume 33, 6 )

 

« Par ses paroles le Seigneur a fait ses œuvres. » ( Ecclésiastique 42, 15 )

 

La Sagesse dit d’elle-même :

 

            « Je suis issue de la bouche du Très-Haut… j’ai habité les cieux. Avant les siècles, dès le commencement il m’a créée, éternellement je subsisterai. » ( Ecclésiastique 24, 3.4.9 )

 

Nous sommes également invités à l’écouter dans cet extrait du Livre Des Proverbes :

 

Ecoutez ce que déclare la Sagesse :

« Le Seigneur m’a faite pour lui

au commencement de son action,

avant ses œuvres les plus anciennes.

Avant les siècles, j’ai été fondée,

Dès le commencement, avant l’apparition de la terre.

Quand les abîmes n’existaient pas encore,

Qu’il n’y avait pas encore les sources jaillissantes,

Je fus enfantée.

Avant que les montagnes soient fixées,

Avant les collines, je fus enfantée.

Alors que Dieu n’avait fait ni la terre, ni les champs,

Ni l’argile primitive du monde,

Lorsqu’il affermissait les cieux, j’étais là.

Lorsqu’il traçait l’horizon à la surface de l’abîme,

Chargeait de puissance les nuages dans les hauteurs

Et maîtrisait les sources de l’abîme ;

Lorsqu’il imposait à la mer ses limites,

Pour que les eaux n’en franchissent pas les rivages,

Lorsqu’il établissait les fondements de la terre,

J’étais à ses côtés comme un maître d’œuvre.

J’y trouvais mes délices jour après jour,

Jouant avec lui à tout instant,

Jouant sur toute la terre,

Et trouvant mes délices avec les fils des hommes. »

( Proverbes 8, 22-31 )

 

    Même les philosophes athées ont compris qu’il était impossible pour l’homme de se mettre à la portée de l’Infini, car seul l’Infini pourrait descendre vers l’homme afin de se mettre à sa portée. Pour ce faire, il faudrait que l’Infini rentre dans les limites du fini. N’est-ce pas, dans une large mesure, ce qu’exprime cet extrait du Livre De La Sagesse ? 

 

Dieu de mes pères et Seigneur de tendresse,

Par ta parole tu fis l’univers,

Tu formas l’homme par ta Sagesse

Pour qu’il domine sur tes créatures,

Qu’il gouverne le monde avec justice et sainteté,

Qu’il rende, avec droiture, ses jugements.

Donne-moi la Sagesse,

Assise près de toi.

 

Ne me retranche pas du nombre de tes fils :

Je suis ton serviteur, le fils de ta servante,

Un homme frêle et qui dure peu,

Trop faible pour comprendre

Les préceptes et les lois.

Le plus accompli des enfants des hommes,

S’il lui manque la Sagesse que tu donnes,

Sera compté pour rien.

 

Or la Sagesse est avec toi,

Elle qui sait tes œuvres ;

Elle était là quand tu fis l’univers,

Elle connaît ce qui plaît à tes yeux,

Ce qui est conforme à tes décrets.

Des cieux très saints, daigne l’envoyer,

Fais-la descendre du trône de ta gloire.

 

Qu’elle travaille à mes côtés

Et m’apprenne ce qui te plaît.

Car elle sait tout, comprend tout,

Guidera mes actes avec prudence,

Me gardera par sa gloire.

 

( Sagesse 9, 1-11 )

 

Environ cinquante années avant la Nativité du Christ, ces autres extraits du Livre De La Sagesse, parlent  en termes d’accomplissement :

 

« Nous avons du mal à conjecturer ce qui est sur la terre, et ce qui est à notre portée nous ne le trouvons qu’avec effort, mais ce qui est dans les cieux, qui l’a découvert ? Et ta volonté, qui l’a connue, sans que tu aies donné la Sagesse et envoyé d’en haut ton esprit  saint ? Ainsi ont été rendus droits les sentiers de ceux qui sont sur la terre, ainsi les hommes ont été instruits de ce qui te plaît et, par la Sagesse, ont été sauvés. » ( Sagesse 9, 16-18 )

 

 

    « Alors qu’un silence paisible enveloppait toutes choses et que la nuit parvenait au milieu de sa course rapide, du haut des cieux, ta Parole toute-puissante s’élança du trône royal… elle touchait au ciel et se tenait sur la terre. » ( Sagesse 18, 14-16 )

   

Nous trouvons ici une des raisons pour lesquelles nous fêtons à Minuit la Nativité du Christ : « la nuit parvenait au milieu de sa course », une manière de dire qu’il était minuit. C’est pour nous l’occasion de préciser que l’ancienne Tradition biblique distinguait quatre grandes nuits dans l’histoire de l’humanité :

           

             a) la nuit de la création du monde. Pour Israël, la Création est déjà une œuvre de salut de Dieu qui arrache cette Création au néant, au chaos primitif.

             b) la nuit de l’alliance avec Abraham (  voir Genèse 15, 17-21 )

             c) la nuit de la libération d’Egypte, donc la première Pâque avec le passage de la mer Rouge

             d) la nuit qu’on attendait, celle où viendrait le Messie

 

Depuis, il y a eu :

                              a) la nuit où le Messie est effectivement venu

                              b) la nuit pascale, celle de la deuxième Pâque, de la résurrection du Sauveur, nuit de recréation du monde

 

 

    Dans le cadre de la Tradition prophétique, Isaïe adressera cette supplication à Dieu :

 

    « Ah ! si tu déchirais les cieux et descendais… » ( Isaïe 63, 19 )

 

Après la construction du Temple, le roi Salomon dit à Yahvé, à propos de ce qui ne devrait être qu’une présence spirituelle :

 

    « Je t’ai construit une demeure princière, une résidence où tu habites à jamais…Mais Dieu habiterait-il vraiment avec les hommes sur la terre ? Voici que les cieux et les cieux des cieux ne le peuvent contenir, moins encore cette maison que j’ai construite ! » ( 1 Rois 8, 13 et 27 )

 

Le roi Salomon ne se doutait pas que Dieu irait infiniment plus loin que ce qu’il osait à peine imaginer. Ecoutons encore le prophète Isaïe :

 

    « Voici, la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel. » ( Isaïe 7, 14 )

 

La Bible de Jérusalem commente ainsi cet oracle : « Yahvé donne à Achaz le signe que celui-ci a refusé de lui demander. C’est la naissance d’un fils, Ezéchias, qui assurera la permanence de la lignée messianique de David. Mais la solennité de l’oracle et le nom symbolique donné à l’enfant ( Emmanuel ) : Dieu avec nous, font entrevoir dans cette naissance, au delà de la continuité dynastique, une intervention de Dieu en vue du règne messianique définitif. Dans le Nouveau Testament( Matthieu 1, 23 ; 4, 15-16 ), puis dans toute la tradition chrétienne, on a reconnu ici l’annonce de la naissance du Christ. La jeune femme : la traduction grecque dit la vierge, précisant ainsi le mot hébreu almah, jeune fille, ou jeune femme récemment mariée. Le texte de la Septante ( traduction grecque ) est un témoin de l’interprétation juive ancienne, consacrée par Matthieu 1, 23 , qui lit ici l’annonce de la conception virginale de Jésus. »

  En prenant chair de la Vierge Marie, c’est notre condition humaine que Jésus épouse. C’est cette lecture que nous pouvons faire de ces mots d’Isaïe, qui s’adressent d’abord à Israël, tout en exprimant parfaitement le lien qui s’est tissé entre le Créateur et sa créature qu’est l’homme :

 

« Ton créateur est ton époux. » ( Isaïe 54, 5 )

   Lorsque des hommes ont marché sur la lune, ce fut un exploit d’une portée considérable. Pourtant l’un de ceux qui ont fait partie du deuxième voyage a dit que « le plus important n’est pas que l’homme ait marché sur la lune, mais que Dieu ait marché sur la terre ».

   Le psalmiste lui-même, qui s’étonnait déjà de l’attention que Dieu portait à sa créature, n’aurait jamais pu imaginer que les choses puissent prendre un jour une telle tournure :

 

« A voir ton ciel, ouvrage de tes doigts,

la lune et les étoiles que tu fixas,

qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui,

le fils d’un homme, que tu en prennes souci ? »

( Psaume 8, 4-5 )

 

   

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