« Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais »

Publié le par Roger BERTHOL

Isaïe 63, 16b-17, 19b ; 64, 2b-7

 

Tu es, Seigneur, notre Père, notre Rédempteur :

Tel est ton nom depuis toujours.

Pourquoi, Seigneur, nous laisses-tu errer

Hors de ton chemin,

Pourquoi rends-tu nos cœurs insensibles à ta crainte ?

Reviens,

Pour l’amour de tes serviteurs

Et des tribus qui t’appartiennent.

Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais,

Les montagnes fondraient devant toi.

Voici que tu es descendu,

Et les montagnes ont fondu devant ta face.

Jamais on ne l’a entendu ni appris,

Personne n’a vu un autre dieu comme toi

Agir ainsi envers l’homme qui espère en lui.

Tu viens à la rencontre

De celui qui pratique la justice avec joie

Et qui se souvient de toi en suivant ton chemin.

Tu étais irrité par notre obstination dans le péché,

Et pourtant nous serons sauvés.

Nous étions tous semblables à des hommes souillés,

Et toutes nos belles actions

Etaient comme des vêtements salis.

Nous étions tous desséchés comme des feuilles,

Et nos crimes, comme le vent, nous emportaient.

Personne n’invoquait ton nom,

Nul ne se réveillait pour recourir à toi.

Car tu nous avais caché ton visage,

Tu nous avais laissés au pouvoir de nos péchés.

Pourtant, Seigneur, tu es notre Père.

Nous sommes l’argile, et tu es le potier :

Nous sommes tous l’ouvrage de tes mains.

 

Homélie

   

Avant de nous pencher sur la première lecture tirée du Livre d’Isaïe, voyons dans quelle mesure ce temps de l’Avent, qui nous prépare à la fête de la naissance de Jésus, peut contribuer à raviver notre espérance de son deuxième Avènement.

 

La préparation du Peuple de la Première Alliance à la venue du Messie s’est étalée sur une très longue période, même si c’est à l’ère des prophètes que les choses sont devenues plus explicites. La TOB ( Traduction Oeucuménique De La Bible ) précise que « l’entrée d’Israël dans l’Histoire, vers les années 1200 avant Jésus-Christ, a été précédée d’une longue période de formation, huit ou neuf siècles, qui échappe en grande partie aux historiens. »

 

La préparation d’Israël au premier Avènement du Christ s’étale donc sur vingt et un siècles. Or, il se trouve que nous nous situons au commencement du vingt et unième siècle après Jésus-Christ, parallèle intéressant qui nous permet d’affirmer que cela fait vingt et un siècles que l’Eglise se prépare pour le dernier Avènement du Christ. Ce qui peut nous aider à comprendre que Dieu n’est pas en retard pour accomplir sa promesse.

  

Le texte d’Isaïe permet d’affirmer la même chose, étant donné que ces paroles ont été prononcées cinq siècles avant la naissance du Sauveur. De ce texte, nous retiendrons d’abord cette admirable prière : « Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais. » Il ne saurait être question de penser qu’Isaïe s’imaginait que Dieu puisse venir en personne sur la terre, à une époque où on ne prononçait même pas son Nom, dans le souci de maintenir une distance qui était synonyme de respect. Une époque où on disait que « nul ne peut voir Dieu et vivre. » La représentation qu’on se faisait alors de la Création laissait penser que le ciel était un immense voile déployé par Dieu, voile derrière lequel se trouvait sa demeure. Le psalmiste ne s’adresse-t-il pas à Dieu en ces termes : « Tu déploies les cieux comme une tente » ? ( Psaume 103, 2 )

 

En fait, ce que demandait Isaïe, c’était que Dieu fasse descendre sa bénédiction, sa grâce, son salut sur son Peuple. Cinq cent ans plus tard, Dieu va exaucer cette prière au-delà de toute espérance. Car à Noël, les cieux vont se déchirer et Dieu, le Fils, descendra dans le sein de la vierge Marie. Bien des années plus tard, Saint Marc rapporte qu’au moment où il fut baptisé, Jésus « vit les cieux se déchirer et l’Esprit comme une colombe descendre vers lui. » ( Marc 1, 10 ). Matthieu et Luc nous parlent du ciel ouvert.

 

A l’instant où Jésus mourrait Matthieu dit que « le voile du Sanctuaire ( donc le rideau du Temple ) se déchira en deux. » ( Matthieu 27, 51 ) Ce que nous comprenons mieux lorsque nous savons que ce voile symbolisait le firmament. C’est pour cette raison que, dans la deuxième lecture de ce jour, Saint Paul s’adresse aux Corinthiens en ces mots qui ne nous concernent pas moins : «  Je ne cesse de rendre grâce à Dieu à votre sujet, pour la grâce qu’il vous a donnée dans le Christ Jésus ; en lui vous avez reçu toutes les richesses, toutes celles de la Parole et toutes celles de la connaissance de Dieu. » ( 1 Corinthiens 1, 4-5 )  En Jésus, le visage et le projet de Dieu se dévoilent.

  

Ce qui se dévoile également dans ce texte d’Isaïe, c’est la nature de la paternité de Dieu à notre égard. En effet, il n’est pas notre Père de la même manière qu’il l’est pour Jésus qui est « engendré, non pas créé, de même nature que le Père…Vrai Dieu né du vrai Dieu. » Nous n’avons pas été engendrés, mais créés. Aussi l’image de Dieu qui serait le potier, et nous l’argile, est-elle très intéressante. Car cela nous renvoie au Livre de La Genèse qui nous rapporte la création de l’homme, un récit qui est plus symbolique que scientifique.

          Dieu aurait façonné l’homme à partir de la poussière de la terre, d’où le nom donné à Adam qui, avant d’être un nom propre, était un nom générique,étant donné qu’Adamah, en hébreu, signifie « le glaiseux, le boueux ». Si Dieu est le potier et nous « l’ouvrage de ses mains », cela suppose que si son œuvre n’est pas réussie…ou plus vraisemblablement, si elle tourne mal, il peut toujours en refaire de la boue, qu’il va façonner une nouvelle fois. Ce qui n’est pas sans rien à voir avec notre ultime avenir sur le plan biologique, puisqu’un jour nous redeviendrons poussière pour que Dieu nous donne une forme nouvelle.

   

Toutefois, il est d’ores et déjà possible de se laisser façonner, recréer par Dieu intérieurement.  Comme le dit Saint Paul "même si notre être extérieur s’en va vers sa ruine, notre être intérieur se renouvelle de jour en jour." ( 2 Cor 4, 16 ) C’est par le sacrement du baptême que cela est rendu possible, le baptême qui est une nouvelle naissance. Voilà pourquoi saint Paul nous dit : « Si quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle : l’être ancien a disparu, un être nouveau est déjà là. » ( 2 Cor 5, 17 )

 

Néanmoins, de même qu’il ne suffit pas de naître en ce monde, mais qu’il faut aussi grandir, de même il ne suffit pas d’être baptisé. D’où la nécessité d’une fidélité à l’Esprit Saint, ce feu dévorant qui nous brûle, tel le métal qui est chauffé pour être travaillé et façonné, la réalité la plus visée en nous étant alors notre cœur.

 

Acceptons-nous de redevenir cette boue, d’être le métal fondu pour être façonné une nouvelle fois ? C’est ce qu’on appelle mourir pour vivre. Et le baptême ne signifie-t-il pas justement accepter de mourir à soi-même, pour vivre avec et pour le Christ ?

 

                                                                                                                  Roger Berthol

 

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