« Préparez le chemin du Seigneur »

Publié le par Roger BERTHOL

Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc 3, 1-6

 

            L’an quinze du règne de l’empereur Tibère, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée, Hérode, prince de Galilée, son frère Philippe, prince du pays d’Iturée et de Traconitide, Lysanias, prince d’Abilène, les grands prêtres étant Anne et Caïphe, la parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, fils de Zacharie.

           

Il parcourut toute la région du Jourdain ; il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés, comme il est écrit dans le livre du prophète Isaïe :

 

A travers le désert une voix crie :

Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route.

Tout ravin sera comblé,

Toute montagne et toute colline seront abaissées ;

Les passages tortueux deviendront droits,

Les routes déformées seront aplanies ;

Et tout homme verra le salut de Dieu.

 

Homélie

 

Alors que nous allons bientôt fêter la naissance du Sauveur, la liturgie de ce dimanche nous présente la figure de Jean-Baptiste, le Précurseur, et ceci, au seuil de la vie publique du Christ. Celui-ci est alors âgé environ d’une trentaine d’années. Jean est la voix qui proclame haut et fort qu’il faut préparer les chemins du Seigneur. Tout cela signifie que ce n’est plus à l’enfant de la crèche que nous avons affaire, un enfant alors incapable aussi bien de parler que d’agir, mais plutôt à celui qui demeure parmi nous et en nous, même si c’est d’une manière discrète et cachée. Par conséquent, tout comme Jean, notre mission ne consiste plus à annoncer la venue du Sauveur, mais à proclamer sa présence parmi les hommes, lui dont nous attendons le retour dans la gloire.

  

Au début du troisième évangile, saint Luc précise que Jésus est né au temps de César Auguste, afin de bien le situer dans l’Histoire de ce monde. Aujourd’hui, il nous dit que Jésus commence son ministère public en l’an 15 de Tibère, c’est-à-dire vers les années 28 ou 29 de notre ère. Nous constatons, par la même occasion, que le panorama qui nous est dressé est à la fois historique et géographique. Beaucoup de détails nous sont donnés au sujet de lieux ou de personnes, afin que nous saisissions que Jésus n’est pas un mythe, mais un personnage de l’Histoire, un homme qui, venant du ciel, a grandi dans un pays précis, dans une culture et un contexte humain précis.

  

Le pouvoir en place est à la fois politique et religieux. Cinq personnes nous sont citées pour ce qui concerne le pouvoir politique, et deux pour ce qui concerne le pouvoir religieux, à savoir les grands prêtres Anne et Caïphe. Ces personnes sont donc au nombre de sept, ce qui est loin d’être un détail, étant donné que sept est le chiffre parfait, celui de la plénitude dans la Bible. Aussi, c’est la totalité du monde politique et religieux de l’époque qui est symboliquement représenté.

  

Il est à noter également qu’un certain décor est planté, dans la mesure où les représentants des autorités politiques et religieuses en place sont ceux qui feront obstacle à l’annonce de la parole de Dieu, et donc au Christ lui-même qui est la Parole de Dieu venue en ce monde. Nous comprenons alors pourquoi la parole de Dieu ne va sur aucun des grands de ce monde, mais sur un homme qui vit d’une manière marginale dans un désert. Saint Paul nous a bien dit que « ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort ; ce qui dans le monde est sans naissance et ce que l’on méprise, voilà ce que Dieu a choisi… » ( 1 Corinthiens 1, 27-28 )

 

Nous pourrions penser, dans un premier temps, que cet homme est un illuminé comme on en trouve à toutes les époques. Ces personnes qui prétendent avoir reçu un message tout fait, dicté d’en haut et qui, pour le répandre en arriveront à se situer hors de toute institution et donc, pour ce qui nous concerne, hors de l’Eglise.  Toutefois, il est important de remarquer que Jean-Baptiste ne vient pas comme un cheveux sur la soupe. Sa naissance avait été annoncée à ses parents en ces termes par l’ange Gabriel :  « il sera rempli d’Esprit Saint dès le sein de sa mère et il ramènera de nombreux fils d’Israël au Seigneur, leur Dieu. Il marchera devant lui avec l’esprit et la puissance d’Elie… » (Luc 1, 15-17 )

  

Il est également important de souligner le fait que Jean « proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés, comme il est écrit dans le Livre d’Isaïe. » Par conséquent, en parlant et en agissant comme il le fait, Jean accomplit une des prophéties d’Isaïe. Il est donc clair qu’il rentre dans le cadre des projets de Dieu, non plus seulement pour son peuple, mais pour l’humanité toute entière.

 

En outre, tout cela se passe dans la région du Jourdain que le Peuple de Dieu avait traversée pour entrer dans la Terre Promise. Ainsi, même ceux ,qui étaient déjà entrés dans cette Terre Promise étaient invités à revenir à son seuil pour recevoir le baptême de conversion. Ce qui signifie symboliquement que ce ne sont ni Moïse ni Josué qui introduiront le Peuple de Dieu dans la véritable Terre Promise, mais jésus lui-même. Cette Terre qui ne peut être géographiquement située ici bas.

  

Enfin Luc nous dit que « la parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean ». Néanmoins le contenu de cette parole n’est pas mentionné. En effet, même là, Dieu respecte la liberté de l’homme, en ne lui confiant pas un message tout fait, à l’inverse de ce que prétendent les faux prophètes. La parole ne fait pas de l’homme un automate, elle met plutôt en mouvement notre intelligence et nos capacités. Il s’agit davantage d’une illumination, dans le bon sens du terme, qui nous amènera à parler aussi bien de Dieu que des réalités spirituelles avec nos propres mots.

 

L’homme n’est pas appelé à devenir un robot de Dieu, c’est pour cela que l’un des maîtres mots de la vie spirituelle, c’est le discernement qui suppose accueil et compréhension, avant de parler et d’agir. Aussi la liturgie de ce jour nous présente-t-elle l’Histoire Sainte bien incarnée au cœur de notre monde. Elle ne se déroule pas de manière parallèle à l’Histoire des hommes, mais en son sein. Une petite histoire dans une grande ou une grande dans une petite, seule notre foi peut nous faire discerner laquelle est la plus importante.

  

Cette histoire du Salut, qui a commencé avec notre père Abraham, se poursuit jusqu’à ce jour comme une longue chaîne à laquelle Dieu ne cesse d’ajouter des maillons. Est-ce que nous acceptons chacun d’en être un précieux maillon, sans perdre de vue que le propre d’un maillon c’est d’être solidaire de tous les autres ?

 

Tout ce qui a commencé avant nous continuera après nous. Acceptons-nous, comme Jésus, d’entrer dans le sillage d’un autre, dans le sillage des autres sans avoir la prétention de penser que le monde n’attendait que nous ? Et Dieu sait combien l’homme de tous les temps, qu’il en soit conscient ou pas, n’attend que Jésus, lui qui est, qui était et qui vient.

 

                                                                                                                  Roger Berthol

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